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D'astres en désastres
24 juillet 2014

Chronique d'un échec annoncé #2

Le rendez-vous. Le 11 avril, soit plus de deux mois après la fin de notre stage ensemble. 21h à l'Hôtel de Ville.

Je suis à l'heure et je suis stressée. Il y a longtemps que je ne me suis pas sentie comme ça pour un rendez-vous. A bien y réfléchir, ça date de Pito. Un an auparavant.

Quand elle descend du tram et s'approche de moi avec un sourire timide, la première pensée qui me vient est : « Mince, je ne me rappelais pas qu'elle était aussi jolie ! ». J'en rougis des oreilles.

Au début, nous balbutions toutes les deux, paniquées à chaque blanc au point de relancer la conversation avec n'importe quoi de peur qu'elle ne se tarisse. Ça s'améliore petit à petit. Je remarque qu'elle n'a pas ses lunettes, elle m'avoue avoir mis ses lentilles. Comme moi. Et elle s'est légèrement maquillée, comme moi. Elle a mis des chaussures à talons, comme moi. C'est étrange d'être à côté d'une fille qui cherche à me plaire. D'habitude je suis toute seule à ce petit jeu, l'autre me toisant du haut de son piédestal d'indifférence, tandis que je fais des pieds et des mains pour attirer son regard. Cependant on est toujours plus à l'aise dans une situation familière plutôt que face à une tournure nouvelle, aussi je me sens paradoxalement moins sûre de moi que quand j'aborde des filles qui ne s'intéressent pas à moi.

La soirée se déroula plutôt bien dans l'ensemble. J'écourte le récit pour mieux narrer le moment clef, le reste n'est que fioritures.

Le Frog'n'Rosbif, des cocktails, cette satanée bougie qu'on doit rallumer toutes les cinq minutes, et la table bancale. Tellement bancale que les verres vacillent à qui mieux mieux, et on sent venir l'incident.

J'ai du mal à me détendre, en tête-à-tête avec la jolie externe de pharma qui m'attise les envies depuis des mois. Mais elle, c'est pire. Elle est toute maladroite, rougit facilement, et finit même par renverser son verre ! Il est d'ailleurs intéressant de constater combien un événement peut être perçu de manières diamétralement opposées par deux témoins de la scène. Au moment où le verre répandit son contenu sur ses genoux, elle se leva d'un bond avec un « Oh ! » de surprise, bafouilla des excuses, piqua un fard, entrepris d'éponger les dégâts avec nos serviettes d'un air catastrophé, bredouilla encore, accepta avec honte l'aide d'une serveuse armée d'une éponge, se rassit toute penaude, puis se releva brusquement pour filer aux toilettes arranger ses vêtements trempés.

Rembobinons la scène, et repassons-la, de mon point de vue cette fois.

Elle renverse son verre, pousse un « Oh ! » de surprise en se levant. Son haut imbibé de cocktail lui colle étroitement à la peau, me dévoilant ses formes aussi clairement que si elle l'avait enlevé. Putain qu'est-ce que j'ai chaud. Elle s'agite en tout sens et j'essaie de la suivre des yeux pour avoir l'air innocent, mais mes pensées restent fixées sur ce tissu plaqué contre sa poitrine et son ventre, soulignant sa taille, et réveillant en moi le souvenir formidablement érotique d'Emilie posant machinalement sa main sur ma cuisse au détour d'une phrase. Tandis qu'elle tourne et vire sans autre but que de récupérer une contenance, je me fais violence pour continuer de lui parler et la regarder dans les yeux, muselant mes sens échauffés par tant d'étalage charnel. Mes mains supplient de se poser sur ces hanches offertes, et quand elle part vers les toilettes, je laisse échapper un soupir d'envie tout en me triturant les doigts. Je lutte contre l'impulsion galopante de la rejoindre, lui retirer son haut avec une impudence confinant à la brutalité, la plaquer contre un mur et saisir fermement ses hanches tout en couvrant sa gorge de baisers.

De longues minutes passent, à rassembler mes esprits dissipés par le souvenir de cette scène, et à tenter d'empêcher mon imagination fertile d'épiloguer sur ce qui se serait passé si je l'avais suivie aux toilettes. Elle revient et le reste de la soirée se poursuit dans le déni de cet événement, bien que d'autres verres soient renversés par la suite. Au moment de se séparer, quand elle monte dans le tram, je suis déçue de n'avoir qu'une bise en guise d'au revoir, et encore, une bise de durée respectant scrupuleusement les convenances, sans aucune ambiguïté. Je me souviens distinctement avoir balbutié « C'est tout ? » d'un air chagriné, et je n'ai jamais su si elle avait choisi d'ignorer cette remarque ou si elle ne l'avait simplement pas entendue.

 

 

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  • J'écris pour ne jamais oublier. L'embrasement de mes désirs comme la striction de mon cœur. Les trémulations vigoureuses de la vie et les coulées de silence de la mort. Tout, de plein fouet, avec la sensibilité qui est mienne et mon interprétation biaisée.
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