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D'astres en désastres
9 août 2013

Les trajectoires erratiques

Ces instants un peu irréels d'attirance impromptue et si peu convenable. Ces moments où quelque chose, sans que je m'y attende, me fait l'effet d'un concentré d'érotisme et de délicieuse incorrection.

_L'interne de psy, Marc, qui me pousse contre le mur en refermant la porte, ou qui me parle en étant si dangereusement à portée de lèvres, ou qui me dévoile accidentellement son torse en retirant son pull – ça doit être son côté garçon sage qui rendait chaque geste un tant soit peu inconvenant diablement plus électrisant qu'il n'aurait du l'être.

Il m'a plu depuis le jour où il s'est opposé à la décision de la Méchante qui voulait déclarer inapte un type qui à mon sens ne l'était pas. Elle tentait d'imposer son verdict en jugeant uniquement l'acte, sans même avoir rencontré le patient. Il s'est scarifié donc il est inapte au port d'arme, point. Le psychologue, les externes : on ne pouvait rien dire, lois de la hiérarchie. C'est Marc qui s'était révolté, demandant à quoi ça rimait d'accueillir ce genre de cas une semaine et de le voir plusieurs fois en consultations si c'était pour à la fin le juger sur le geste initial. J'étais totalement d'accord avec lui, acceptant fort bien les réticences de Fleur qui arguait que c'était inquiétant pour lui, craignant qu'il ne tienne pas longtemps en gendarmerie ; mais je grinçais des dents devant l'hypocrisie scandaleuse de la Méchante, qui prétendait vouloir lui éviter les situations de stress alors que sa décision allait mettre ce jeune homme, même pas bachelier et habitant chez sa mère dépressive, au chômage. Elle voulait seulement se protéger elle, ne pas avoir d'ennui s'il s'avérait que ce garçon renouvelait son geste. Cette façon de se centrer uniquement sur les intérêts de l'hôpital au lieu de ceux du patient m'ulcère.

En vérité, Marc m'avait même plu avant, le jour où j'avais été en consultation avec lui pour la première fois. Lorsque le patient sortit, je me levai pour le suivre, ne sachant pas trop si l'interne m'accorderait quelques minutes de débriefing ou s'il voulait que je parte. Il m'avait alors retenue par l'épaule en lançant « hop hop hop, tu restes là toi ! » en me repoussant vers le mur. Pourquoi était-ce si sexy, cette petite phrase et ce geste ? Bon, pour le mur déjà, j'aime bien être poussée doucement contre un mur. Mais même. Il y avait quelque chose, dans le ton. Dans la spontanéité de cette réaction, dans ce regard soudain beaucoup moins posé, dans ce sourire flottant. Il y avait quelque chose, oui, de terriblement sexy.

Cette habitude, quand il me parle d'un patient... il me parle de très près, vraiment très près. J'ai follement envie de l'embrasser. Ce serait délicieux de l'embrasser, comme ça, en plein milieu d'une phrase. Et si je le faisais ? Si j'étais assez tentée par le vertige pour sauter ?

 

_Superconnard. C'est une soirée Halloween, et il a un t-shirt avec l'emblème de Superman mais ce sous-titre ô combien hilarant en-dessous. Je l'avais déjà vu, à la soirée de départ d'amis, et au risque de me répéter il me faisait lui aussi un putain d'effet. Il n'est pas très beau pourtant, mais sa mâchoire me fait craquer à elle toute seule. Mon cher critère inconscient d'angle de mâchoire bien dessiné et de mâchoire carrée... Le bas de son visage est une pure œuvre d'art, et ses yeux bleus au regard aiguisé ne gâchent rien. La première fois, il n'y avait pas sa copine et je n'avais pas bien compris s'il en avait une ou pas. Il est comme Catwoman, allumeur, séducteur avec tout le monde. Garçons compris. Détail qui le rend encore plus sexy.

La première fois donc, à force de se chercher, je m'étais retrouvée plaquée contre un mur – pas par lui, par l'étroitesse du passage entre les tables et le mur, qui m'avait obligée à me tasser ainsi pour le laisser passer en allant aux toilettes dont il sortait – et il m'avait regardée de son petit air de chaudasse avec son sale sourire de fripouille, et en un frôlement il m'avait réveillé les ardeurs à un point inimaginable.

Plus tard, j'étais assise en face de lui et il s'amusait à défaire mes lacets sous la table. Bataille de pieds et de mains pour l'en empêcher, ça se voit que je m'en tape de mes chaussures et que j'aime juste chahuter avec lui. Une amie va me le dire après, que ça se voit, en souriant. Je nierai, bien sûr, surtout qu'entre-temps j'aurai compris qu'il a une copine. Sur le moment, j'ai les yeux qui traînent vers sa mâchoire et ses yeux et sa bouche et j'arrive pas à faire semblant d'être de marbre. Pas que j'ai honte, mais ça le réjouit tellement de voir que je suis sous son charme que je voudrais feindre l'indifférence juste pour lui enlever ce putain de sourire taquin – cercle vicieux : ce même sourire taquin à cause duquel je suis sous le charme.

 

_Monsieur B., croisé dans un tram un soir, tard, alors que j'étais ivre et lui fatigué. Avais-je déjà dit que je l'avais rencontré une première fois en sortant de garde, un matin ? Nous avions discuté quelques minutes, il m'avait demandé des nouvelles. Il vieillit bien, il a gagné en virilité calme ce qu'il a perdu en apparence sexy. Donc dans le tram, je viens m'asseoir avec lui, pas plus de deux ou trois arrêts. Nous échangeons quelques phrases, je crois qu'il m'aime bien lui aussi. Il s'apprête à se lever pour sortir du tram, mais avant cela il me fait la bise. Rien que d'anodin, une bise. Pourtant celle-là... Un post-trentenaire sexy qui se penche vers moi, me présentant sans s'en rendre compte ma partie préférée du corps masculin : cet angle de mâchoire qui offre tant de possibilités, celle de remonter vers la joue pour un baiser tendre, celle de mordiller l'oreille – Christophe a réussi à me convertir à ça sans que je sache comment –, celle de descendre dans le cou pour des baisers beaucoup moins sages. Et je ne parle pas de l'appel à passer ma main dans ses cheveux que ça constitue. Ce sont ces deux dernières possibilités qui m'ont donné chaud en cet instant d'attirance incontrôlable, de pulsion sexuelle intrusive. Je n'ai rien fait, bien sûr, mais si nous n'avions pas été dans un endroit public bondé, je me demande si j'aurais réussi à me contrôler. L'envie était si forte, et mon Surmoi si faible après quelques verres. Mon effronterie rêvait d'un putsch contre mon respect-des-convenances.

Toujours est-il que depuis cet instant, je me surprends à espérer le croiser à nouveau. Il a définitivement gagné en sex-appeal.

_Un autre, le dernier que je voulais noter, de ces instants : l'interne Félix, faisant une ponction d'ascite à un patient. J'étais venue y assister, et jusque là, on se demande comment la situation a pu donner ne serait-ce qu'un quart de seconde de sensualité. Mes deux collègues avaient mis des gants stériles, et l'un ayant un petit soucis pour un geste, Félix a momentanément pris sa place. Pour stabiliser l'aiguille, il lui faut des strips. « J'en avais amené, je les ai mis où ? … ah oui. Dans ma poche. » Echec : il ne peut pas les attraper avec ses gants stériles. Mon collègue pareil. Ils se retournent tous deux vers moi. « Tu peux me les attraper s'il te plaît ? ». L'autre se pousse autant qu'il peut, gardant bien ses mains contre son torse. Je me faufile devant lui pour atteindre Félix, qui se tient de la même manière, et me retrouve à fouiller les poches de sa blouse. Je trouve l'objet tant voulu dès la première poche, et le regrette aussitôt : il y avait quelque chose de tellement sexy à glisser ma main dans les vêtements – fut-ce la blouse – de ce mignon garçon qui se tient de manière à éviter tout contact physique, et qui en même temps me regarde pour voir si je trouve ce qu'il veut. Quelque chose, surtout, de très inconvenant, presque indécent... Quelque part entre « on ne fait pas les poches des gens » et « on ne fricotte pas avec un garçon en public ». Les filles ne mettent pas leurs mains dans les poches des vêtements des garçons voyons. L'instant m'a donné chaud, j'ai même craint que mes oreilles ne rougissent, mais il n'en fut rien. A part que maintenant, j'ai bien envie de remettre les mains dans ses poches.

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D'astres en désastres
  • J'écris pour ne jamais oublier. L'embrasement de mes désirs comme la striction de mon cœur. Les trémulations vigoureuses de la vie et les coulées de silence de la mort. Tout, de plein fouet, avec la sensibilité qui est mienne et mon interprétation biaisée.
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